“Une passion française” : la Couronne d’épines Jacques Charles-Gaffiot

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Difficile de ne pas se rendre à nouveau, après avoir parcouru la belle exposition donnée à la Conciergerie, en l’honneur du 800e anniversaire de la naissance de Saint Louis, dans cet édifice merveilleusement gothique qu’est la sainte Chapelle. Engoncée dans le monde moderne, mais toute élancée vers le Ciel, elle remémore plus que tout la piété de celui qui l’édifia en quelques huit années, de 1240 à 1248, pour recevoir le plus dignement possible les reliques de la Passion du Christ, et en particulier celle de la sainte Couronne d’épines. Jacques Charles-Gaffiot en retrace le voyage, l’histoire de ce cercle tressé de jonc et de branches de jujubier – à l’origine une coiffe complète – imposé, un jour, par des soldats romains sur la tête du « roi des Juifs »…
 

L’or des épines

 
Paradoxe inouï que celui de la Couronne d’épines, cynique diadème et signe sacré du salut des hommes… Paradoxe immense et insoluble si ce n’est par la Foi, que ce « Roi de l’univers [qui] vainc en tombant »… Quand l’homme a besoin d’or et de pierres précieuses pour figurer son pouvoir, de noires épines sont les meilleurs symboles pour la plus grande puissance qui soit.
 
Et Saint Louis en était bien persuadé, qui dépêcha deux dominicains à Constantinople afin de rattraper la relique en passe d’être cédée aux Vénitiens. Il la racheta à prix d’or. Par deux fois, en 1239, il s’en ira au devant du cortège de la Sainte Couronne, à Sens, le 10 août, puis à Paris, le 18 août, vêtu d’une seule tunique blanche et les pieds nus… Et le 11 août, fut instituée une fête de la Susception de la Sainte Couronne d’épines, désormais inscrite au calendrier liturgique. Il fit fabriquer un grand reliquaire d’or pur en forme de monstrance gothique – qui sera fondu en 1794. Et la Sainte Chapelle fut presque aussitôt érigée, nouvelle chapelle palatine, digne de ce nouveau trésor français.
 

« L’évêque du dehors »

 
La symbolique est grande, plus grande encore en ces jours dépourvus de toute transcendance et follement arrimés à l’unique orgueil de l’Homme. Le roi de France remet son propre pouvoir dans les mains de cet autre Monarque. Acte pieux, s’il en est, mais aussi acte politique, au sens de la cité.
 
 « Au-delà des faiblesses humaines, l’ambition de se rapprocher sans plus attendre des rouages bienfaisants de la Cité céleste à laquelle chacun se sentait appelé apportait l’assurance qu’en imitant le Maître, le parti du bien commun se trouverait nécessairement consolidé au sein de la cité terrestre ». Toute royauté ne peut être, ne doit être que le reflet de celle, parfaite, qui nous préexiste.
 
L’empereur Constantin, en convoquant le concile de Nicée, avait utilisé pour lui-même cette expression d’« évêque du dehors » – que reprend l’auteur. Le trône et l’autel ont bien partie liée. La fureur jacobine ne s’y trompait pas qui tenta de faire disparaître la relique, en avril 1794. Mais, bien que rompue en trois morceaux, elle rejoignit miraculeusement le Cabinet des Antiques de la Bibliothèque nationale. Et le 10 août 1806, retrouvait enfin Notre-Dame, remise par Napoléon à l’archevêché de Paris.
 
Une passion française, la Couronne d’épines : Jacques Charles-Gaffiot, éditions du Cerf, 150 p, 12 €