Theresa May au Congrès :
sa « relation spéciale » avec les Etats-Unis met Moscou de côté

May relation Etats Unis Moscou
Le Premier ministre britannique, Theresa May, lors d’un discours devant les républicains américains, le 26 janvier, à Philadelphie, en Pennsylvanie.

 
La veille de sa rencontre prévue avec Donald Trump, le Premier ministre britannique a prononcé un discours très applaudi devant les Républicains du Congrès à Philadelphie. Reprenant le mot de Churchill, dans son fameux discours de Fulton, Theresa May a évoqué ou plutôt martelé la continuation d’une « Special Relationship » entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Un rapprochement « made in » Brexit, qui préfère néanmoins voir de loin le gouvernement de Moscou…
 
Les deux solitudes politiques du moment pourraient-elle s’allier, ou du moins se coordonner ? Les relations commerciales et stratégiques semblent en tout cas primer et la création d’un nouvel axe pointe. Symbole du moment, le Premier ministre britannique sera – elle a tout fait pour cela – le premier dirigeant étranger à rencontrer Trump depuis son investiture…
 

Theresa May : « Coopérez, mais prenez garde »… à Moscou

 
C’est visiblement le point qu’elle tenait à dire publiquement : un avertissement prudent mais soigné contre la Russie de Poutine. « Coopérez, mais prenez garde » a-t-elle dit aux élus.
 
Malgré le climat positif qui semble se dessiner entre les dirigeants russe et américain – Trump cherche à lever certaines sanctions engagées contre Moscou par Obama – elle a appelé à la méfiance, tout en reconnaissant la nécessité de coopérer : « Quand on parle de la Russie, il est sage comme souvent de prendre exemple sur le président [Ronald] Reagan qui, dans ses négociations avec son homologue russe d’alors, Mikhaïl Gorbatchev, avait l’habitude de suivre cet adage : “Faites confiance, mais vérifiez.” »
 
Il ne faudrait pas « mettre en péril les libertés que le président Reagan et Mme Thatcher ont apportées en Europe de l’Est ». Un nouveau couple anglo-américain May-Trump pour une nouvelle guerre froide ? Pas vraiment sûr, lorsqu’on écoute le ministre britannique des Affaires étrangères, Boris Johnson, nettement plus conciliant avec Moscou.
 

Les États-Unis et le Royaume-Uni ont « défini le monde »

 
Mais Theresa May veut décidément s’inspirer d’une certaine époque pour en construire une autre – et cela a plu. Très applaudie, elle a défendu « une alliance de valeurs et d’intérêts » en citant largement Churchill et sa fameuse « special relationship », au début d’une guerre froide qui commençait, mais aussi à plusieurs reprises Mme Thatcher et le président Reagan. C’est précisément, selon elle, ce leadership américain et anglais qui vaut aujourd’hui aux grandes capitales d’Europe centrale et orientale de vivre en liberté…
 
Et une telle alliance, aujourd’hui, anéantirait les craintes d’une « éclipse de l’Occident ».
 
« Nos idées prévaudront toujours ! (…) Je vous parle, non pas seulement en tant que premier ministre du Royaume-Uni, mais en tant que collègue conservateur qui croit aux mêmes principes qui sous-tendent l’ordre du jour de votre parti (…) La valeur de la liberté. La dignité du travail. Les principes de nationalité, de famille, de prudence économique, de patriotisme – et de mettre le pouvoir entre les mains du peuple. »
 

« Une relation spéciale » très commerciale ?

 
Les idées, mais aussi (et surtout ?) les finances… Theresa May s’est montrée très pressée d’entamer des négociations sur un éventuel accord commercial. Donald Trump avait déclaré, dans une interview au Times, qu’il était prêt à signer un accord de libre-échange avec le Royaume-Uni, « absolument, très rapidement » : il veut « l’aider à faire du Brexit une « grande chose ».
 
Et le Royaume-Uni, en pleine transition, serait bien aise de retrouver un marché favorable. Tout comme les Etats-Unis qui poursuivent une politique à rebours des règles de globalisation (sortie du traité de libre-échange transpacifique, TPP).
 
Teresa May a rappelé que le Royaume-Uni était la cinquième destination d’exportation des États-Unis, que les marchés américains représentaient près d’un cinquième des exportations mondiales en provenance du Royaume-Uni.
 
Demeure néanmoins l’obstacle de l’Union européenne : la Commission vient de sèchement rappeler que le Royaume-Uni peut « discuter » d’un éventuel accord de libre-échange avec un pays tiers, mais pas « négocier » tant qu’il reste membre de l’UE…
 

Les Nations unies restent « vitales »

 
Mais Theresa May est partie pour en discuter, envers et contre tout. Depuis l’investiture de Trump elle a multiplié les marques de déférence. Lui offrant même, le 29 décembre, une copie d’un message adressé au peuple américain par Winston Churchill en 1941 : ce « sentiment d’unité et d’association fraternelle entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis est exactement aussi réel aujourd’hui que par le passé ».
 
Depuis le 8 novembre alors… parce que la politique d’Obama n’était pas vraiment en faveur de l’ancienne puissance coloniale. Peu avant le referendum, Barack Obama avait carrément menacé les Britanniques d’être relégués « en fin de liste » pour un accord de libre-échange avec les Etats-Unis, s’ils sortaient de l’UE… Un memorandum d’avril 2015 destiné aux membres du Congrès stipulait déjà que le Royaume-Uni ne pouvait pas être considéré « comme centralement pertinent » pour les États-Unis ni surtout « prioritaire ».
 
C’est un nouveau départ : Donald Trump, a promis de replacer Londres en première position.
 
Mais attention, Theresa May ne va pas aussi loin que le président fraîchement élu. Si elle freine devant Poutine, elle accélère aussi lorsqu’on évoque les grandes instances internationales qu’éreinte l’homme d’affaires. Les Nations unies restent « vitales ». De la Banque mondiale au Fonds monétaire international, les grandes organisations jouent « un rôle central » et l’Otan, a-t-elle souligné, reste « la pierre angulaire de la défense de l’Occident ».
 
Elle d’accord pour les réformer – mais seulement les réformer…
 

Clémentine Jallais