Chine : fuite des capitaux et bulle immobilière

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L’accélération de la fuite des capitaux en Chine lui fait atteindre ces jours-ci des records qui font penser au mouvement de panique du début de l’année, alors que le pays se trouve dans une double bulle. L’expansion appuyée sur le crédit est en train de retomber après avoir atteint son pic, et en même temps Pékin multiplie les mesures pour mettre fin à la spéculation immobilière qui a fait monter les prix (par son propre fait). Tout cela fait dire à Ambrose Evans-Pritchard du Telegraph de Londres que la qualité de la croissance chinoise est médiocre. Le retour au réel pourrait être pour l’an prochain.
 
Le cycle de crédit facile délibérément déclenché par le gouvernement communiste aura duré 18 mois, tout au plus. La situation se compliquera nécessairement alors que les liquidités commencent déjà à manquer au niveau de la finance globale, et la marche vers une hausse des taux de la Réserve fédérale aux États-Unis pourrait bien porter le coup de grâce.
 
Aujourd’hui, la petite remontée mondiale des cours des matières premières correspond pour une grande part à une remontée de la demande chinoise dans les domaines de l’industrie de la construction, « et à la croyance touchante que l’économie chinoise traversera majestueusement l’année 2017 ». L’éditorialiste lui, n’y croit pas.
 

La fuite des capitaux en Chine atteint des niveaux record

 
Selon les estimations, la sortie des capitaux en septembre varie entre 44 milliards de dollars comme le pense Morgan Stanley ou plutôt 55 milliards, les chiffres avancés par Capital Economics : on sait en tout cas que l’achat d’obligations offshore par le biais du Shanghai-Hong Kong Stock Connect Scheme a bondi.
 
Même si l’on reste en deçà des 70 milliards par mois qui ont déclenché une crise au début de l’année, Pékin a de quoi être inquiet. D’après Yusho Cho, de Nikkei, les autorités communistes ont donné ordre aux banques de Shanghai et de Guangzhou de restreindre l’accès aux devises étrangères, ordre assorti d’une consigne de non divulgation afin que cela ne se sache pas. En tout cas, les institutions sont aujourd’hui obligées de justifier leur demande de devises étrangères, alors que le yuan (RMB) ne cesse de perdre de sa valeur malgré de coûteuses interventions de la banque centrale chinoise. Pour un analyste de Deutsche Bank, le renminbi pourrait connaître une dévaluation de 20 % par rapport au dollar ici à la fin 2018, à la faveur de l’éclatement de la bulle immobilière, avec des effets déflationnistes pour les échanges mondiaux.
 

La Chine affiche une croissance trompeuse

 
Ambrose Evans-Pritchard qualifie ces mots de « litote ». Il y verrait plutôt un « tremblement de terre » pour l’économie mondiale, avec « un tsunami d’exportation manufacturière bon marché vers l’Europe et les Etats-Unis ». En janvier dernier, le premier ministre Li Keqiang, de concert avec la banque centrale chinoise, promettait de maintenir les taux de change à un niveau « fondamentalement stable », assurant que la Chine n’avait nullement l’intention de stimuler ses exportations par une dévaluation compétitive ; promesses renouvelées vigoureusement par des représentants chinois à Davos. « Nécessité ou opportunisme », note l’éditorialiste qui les avait entendues de ses oreilles lors de la rencontre économique en Suisse, ces promesses n’ont pas été tenues et on parle librement en Chine d’une « dévaluation stratégique » alors que le yuan a déjà perdu 8 % de sa valeur cette année.
 

La bulle immobilière créée par le pouvoir communiste

 
L’apparente remontée de la croissance chinoise, assure-t-il, repose sur un « stimulus » qui a surtout favorisé les « dinosaures industriels appartenant à l’État » et le marché du logement, et ce par décision du conseil de l’Etat chinois qui a encouragé les particuliers à se porter sur la propriété immobilière. Cela a fortement fait monter l’endettement : les hypothèques représentent 71 % des emprunts en juillet et août contre 26 % à la même période l’année dernière. Le prix de la terre constructible a augmenté de 140 % : elle devient plus chère que les logements achevés – en Chine, on parle de « la farine plus chère que le pain »… Mais les logements aussi ne cessent d’augmenter, avec des remontées de 28, 33, 37 et 47 % en un an respectivement à Pékin, Shanghai, Xialeb et Hefei. Plus dure sera la chute – et elle sera liée à 1.100 milliard de dollars de dettes : c’est l’équivalent de la bulle des subprimes aux États-Unis en 2007.
 
Alors que tout indique une prochaine crise financière en Chine – à commencer par la fuite des investisseurs – le pays connaît un endettement de 255 % de son PIB. On ne voit pas comment tout cela pourrait bien se terminer.
 

Anne Dolhein