UE : la gigantesque faille de sécurité du régime sans visas pour les Turcs

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Une fois entrés sur le territoire de l’Union européenne, les citoyens turcs qui auront profité du régime sans visas pourront rester indéfiniment… faute d’un système de suivi permettant de savoir s’ils ont dépassé leur durée de séjour légal. Cette gigantesque faille de sécurité informatique permet potentiellement à 127 millions de Turcs de se rendre dans l’UE sans qu’il soit possible de les repérer. Bien sûr, il ne faut pas s’attendre à ce que 127 millions de citoyens turcs profitent de la situation. Mais la « demande » pour l’émigration vers les régions plus riches et plus clémentes de l’Europe occidentale – perçue également comme des terres à reprendre par l’islam – est assez forte pour que la situation soit fortement inquiétante.
 
La levée du régime du visa obligatoire a été accordée dans le cadre d’un troc : Ankara a échangé la promesse de stopper le flux des réfugiés Syriens vers les pays de l’Union européenne contre le droit pour l’ensemble de ses citoyens de voyager librement vers ces destinations, à l’instar de ce qui se passe pour les nationaux de plus de 60 pays dans le monde.
 

127 millions de Turcs pourront entrer dans l’UE sans visas

 
Ce sont des pays qui ne posent pas de problème du point de vue de la pression migratoire. Pour leurs citoyens, il n’y a pas non plus de possibilité de contrôle systématique. Le Telegraph de Londres rapporte que les responsables de ce dossier à Bruxelles avouent quelque 250.000 personnes – selon leurs estimations – outrepassent chaque année leur durée de séjour légal : 90 jours pour un séjour touristique, 180 jours pour un séjour professionnel.
 
Aux 127 millions de Turcs désormais dispensés de visa, s’ajouteront bientôt quelque 52 millions d’Ukrainiens, de Géorgiens et de Kosovars que l’UE est disposée à doter du même régime sans visas.
 
L’existence de cette faille de sécurité peut surprendre alors que tout peut être fiché et suivi par voie informatique : Big Brother serait-il donc moins puissant qu’il n’y paraît, malgré ses caméras de surveillance, ses possibilités d’écoute, le suivi pas à pas de nos navigations virtuelles comme de nos déplacements physiques, avec ce mouchard permanent qu’est le téléphone portable ?
 
Eh bien, pour le régime sans visas, il se trouve justement que rien n’est prévu. Plusieurs pays de la zone Schengen n’enregistrent les arrivées qu’au moyen d’un tampon daté dans le passeport des voyageurs, sans collecte de données. Il n’y a pas non plus de base de données centralisée pour enregistrer les entrées et les départs dans les pays de l’UE ; même pas dans la zone Schengen. Il y a certes de pays qui disposent de bases de données nationales mais cela ne sert à rien pour le suivi des dépassements de durée de séjour puisque les intéressés peuvent passer librement d’un pays à l’autre. Et partir d’un autre pays. Ou pas…
 

Le régime sans visas accordé malgré une gigantesque faille de sécurité

 
Selon un rapport de l’Union européenne, il n’est pas non plus inconnu que nombre de nouveaux arrivants légaux, profitant de leur droit de séjour touristique, entrent dans l’UE puis détruisent ou altèrent les documents comportant leur date d’arrivée.
 
Et sans surprise, le dépassement du séjour légal constitue le mode d’installation le plus fréquent des immigrés clandestin : « l’immense majorité », affirme le Telegraph. Le rapport interne de l’UE souligne même que cette situation rend les pays d’Europe « vulnérables » face aux terroristes, au crime organisé et au trafic d’êtres humains.
 
La Commission européenne tente paraît-il depuis trois ans de remédier à cette situation en proposant de créer un super-ordinateur capable de conserver et de suivre les données d’entrée et de sortie de tous les « visiteurs » des pays tiers, avec un système d’alerte automatique permettant d’avertir les polices nationales en cas de constat de dépassement. Cela passerait par l’enregistrement de données biométriques faciales et d’empreintes digitales, histoire de pouvoir identifier des personnes se présentant sous une fausse identité.
 
Les gouvernements nationaux ont systématiquement bloqué ces initiatives, regrette la Commission, qui vient de revenir à la charge le mois dernier en avertissant : « Comme les passages de frontières par les nationaux de pays tiers ne sont actuellement pas enregistrés, il n’est pas possible d’établir une liste de ceux qui sont outrepassé leur droit au séjour. »
 

Voie royale pour la clandestinité : le régime sans visas ne permet pas de vérifier la sortie du territoire

 
Modeste, la Commission évalue à 1 pour 1.000 le nombre de visiteurs qui dépasseront leur droit de séjour de plus de 7 jours.
 
Et l’absence de possibilité de contrôle n’a pas empêché la même Commission européenne de conclure son accord avec la Turquie, malgré l’absence de garanties sur le respect des « droits de l’homme » et sur les documents de voyage ; elle n’a même pas demandé un délai raisonnable avant son entrée en vigueur puisque celle-ci est prévue pour juin.
 
L’Allemagne et la France ont demandé que l’accord puisse être suspendu si « trop » de Turcs abusent de leur nouveau droit en omettant de rentrer chez eux. Clause inopérante : des rapports de l’UE reconnaissent qu’il est aujourd’hui impossible de savoir « s’il y a un problème, ou non, par rapport à des personnes dépassant leur droit de séjour d’une nationalité donnée ». Apporter une preuve permettant de mettre en œuvre la suspension devrait d’avérer impossible.
 

Anne Dolhein