GUERRE Alias Maria ♥♥♥♥


 
Alias Maria est un excellent film de guerre colombien. Il culmine véritablement au sommet du genre. L’affiche insiste sur un élément central de l’intrigue : la guérillera Maria – probablement un nom de guerre, d’où le titre Alias Maria – est désignée pour faire partie d’une section spéciale chargée de remettre à une famille d’accueil sûre le nourrisson de son chef de bataillon des FARC. Les FARC – Forces Armées Révolutionnaires de Colombie – sont la principale guérilla marxiste-léniniste qui ravage la Colombie depuis des décennies.
 
Des pourparlers de paix avec le gouvernement colombien, qui ont lieu à Cuba, seraient proches de la conclusion. Mais ils s’éternisent depuis l’automne 2012. Pendant ce temps, avec cependant une intensité un peu moindre, la guerre civile se poursuit. L’action du film, qui pourrait encore se dérouler en 2016, remonte probablement à une quinzaine d’années, au moment précis du renversement de la guerre, alors que les FARC sont contraintes de passer de l’offensive à la défensive, luttant difficilement contre l’armée colombienne massivement réarmée et ré-entraînée par les Etats-Unis, et d’efficaces et nombreuses milices paramilitaires locales qui quadrillent le terrain. Ces milices ont été dissoutes il y a un peu plus d’une décennie, même si beaucoup d’anciens du mouvement se sont reconvertis dans le banditisme. Les FARC comme les paramilitaires ont eu massivement recours au trafic de drogues pour se financer, et aux prises d’orages ou « impôts révolutionnaires ». Ces dernières sont donc largement détestées de la population, attitude qui se retrouve dans le film, même si les paysans sont d’une hostilité silencieuse, et non ouverte, ce qui serait suicidaire.
 

Alias Maria : une très grande œuvre

 
Alias Maria propose une vision de l’intérieur des FARC. Leur armée tient effectivement de la microsociété marxiste-léniniste, ce qui signifie toujours une dictature atroce, prompte à assassiner ennemis comme partisans estimés suspects, et le développement d’une fine caste privilégiée à rebours des idéaux fraternels et égalitaires affichés. Ainsi, les officiers ont-ils le droit d’avoir une épouse et des enfants. A l’inverse, les soldats ou sous-officiers, masculins ou féminins, subissent une interdiction totale de faire des enfants. On se souvient qu’en l’an 2000, le Monde, en des articles dithyrambiques pour la guérilla marxiste-léniniste, exaltait une merveilleuse « chasteté révolutionnaire ». En pratique, et toute l’horreur morale en est montrée, la contraception et l’avortement sont absolument obligatoires. Certes, un bébé qui hurle fait immédiatement détecter une colonne par l’ennemi ; mais rien ne justifie l’infanticide prénatal, ce que comprend Maria, du moins lorsqu’elle est directement concernée. Elle essaiera donc de déserter pour sauver son enfant. L’atrocité de la guerre civile colombienne, sans aucune surenchère dans la violence stricte des images, est fort bien rendue. La galerie de portraits passionne le spectateur, avec les enfants-soldats, les idéalistes égarés, les fanfarons lâches dans les situations critiques, et les fanatiques obstinés.
 
Alias Maria est donc une très grande œuvre, à la fois réaliste et sensible.
 

Hector Jovien