Les contradictions du cas Breivik

Contradictions Breivik
Anders Breivik à Oslo le 17 avril 2016.

 
Anders Breivik, c’est le tueur de Norvège – 77 morts et 151 blessés – devenu l’ennemi public numéro un du pays, qui poursuivait l’Etat pour mauvais traitements, et même traitements inhumains, parce qu’il était confiné à l’isolement depuis cinq ans. Sur ce point, la justice lui a donné raison, provoquant un tollé quasi général qui déborde les frontières du pays. Et provoque quelques contradictions.
 

Anders Breivik a partiellement gagné

 
Il est vrai que personne, en Norvège ou ailleurs, et surtout pas ceux qui avaient suivi le procès le mois dernier, ne s’attendait à un jugement favorable à Anders Breivik. Hormis sans doute son avocat Øystein Storrvik, dont c’est évidemment le rôle, et qui a déclaré après que le jugement ait été rendu : « Nous avons gagné sur le fait que l’isolement est reconnu comme violation des droits de l’homme, c’est pour cela que nous avions intenté ce procès. Breivik doit maintenant avoir des contacts avec d’autres personnes. »
 
Les survivants et les proches des victimes des attentats de 2011 se sont dits déçus. Mais ils expriment tout de même un soulagement parce que Anders Breivik n’a pas obtenu gain de cause sur toute la ligne, et notamment pas sur les restrictions qui lui sont imposées quant à sa correspondance et son droit à recevoir des visites.
 
Lisbeth Røyneland, présidente du groupe de soutien aux victimes, a vraisemblablement résumé le sentiment général en déclarant : « Je pensais vraiment que l’Etat gagnerait ce procès… Mais je suis quand même contente qu’il continue à être empêché de propager ses idées et d’établir des contacts avec d’autres extrémistes de droite, pour nous c’est le plus important. »
 

Des contradictions qui semblent ne heurter personne

 
Dans cette affaire, on doit faire face à plusieurs contradictions. La première est celle du sens des mots que l’on emploie. On continue de traiter Anders Breivik tout à la fois d’extrémiste de droite et de néo-nazi, ce qui est bien sûr un non-sens. Le nazisme étant, dans sa définition même, un socialisme ne saurait être qualifié de droite, fût-il extrémiste. Mais il est vrai que l’emploi d’insultes fait rarement bon ménage avec le sens commun…
 
Il y a sans doute une autre contradiction dans le fait qu’un meurtrier de cet acabit puisse demander, voire exiger en justice de pouvoir entrer en contact avec ses semblables. Mais alors il fallait y penser avant de lui infliger un traitement comme l’isolement total, dont on veut bien croire qu’il puisse avoir quelque chose d’inhumain. Ou réfléchir une nouvelle fois à la question de la peine de mort…
 
Mais ce qui est sans doute le plus choquant, c’est l’inconséquence des bien-pensants. Il leur suffit de traiter Anders Breivik de néo-nazi pour qu’il leur paraisse logique qu’il ne soit pas traité, quoi qu’on en pense par ailleurs, comme un être humain. Ce qui vient confirmer l’idée que la démocratie et les droits de l’homme sont des théories bien peu satisfaisantes. On doute pourtant que tous ces idéologues du dimanche prennent le temps d’y réfléchir davantage.
 

Que fera l’Etat ?

 
Quoi qu’il en soit, Anders Breivik ne fera pas appel du jugement. On peut le comprendre puisque, en définitive, il a obtenu satisfaction sur le point le plus important. Et tant pis si sa console de jeu est trop vieille. A 37 ans, il serait peut-être temps qu’Anders Breivik devienne adulte.
 
Ce qui est plus intéressant sans doute, c’est de savoir comment, de son côté, l’Etat norvégien résoudra le dilemme qui s’offre à lui. Soit, en effet, il renonce à l’appel, et doit alors modifier le régime de détention du condamné pour un isolement moins strict. Soit il fait appel, et non seulement il offre alors une nouvelle tribune médiatique à Anders Breivik au cours d’un nouveau procès, mais encore il prend le risque de voir ce dernier gagner sur des points auxquels la justice a décidé de ne pas répondre cette fois-ci.
 

François le Luc