Devant la probable défection des Etats-Unis, la Chine se met à lorgner sur le TPP

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C’est encore le media officiel chinois Global Times qui partage cette lumineuse idée : la Chine devrait sérieusement considérer le Partenariat Trans-Pacifique (TPP.) Quoi ? Ce traité dont elle était exclue, du moins en apparence ? L’élection de Donald Trump, fervent opposant au TPP, cet accord « terrible » qui « viole » les intérêts des travailleurs américains – le mondialisme ne se fait qu’au détriment des individus – a changé la donne. Et Pékin compte bien en profiter.
 
Si cela ne change en rien la perspective de globalisation économique et idéologique, une Chine au premier plan accélérerait sans doute le processus.
 

Le TPP survivra-t-il « grâce » à Pékin ?

 
La Chine devrait sérieusement repenser sa stratégie pour adhérer au Partenariat Trans-Pacifique (TPP). Car la probable défection des Etats-Unis sous l’égide de Donald Trump pourrait engendrer une renégociation de l’accord de libre-échange par les pays signataires. Le TPP avec un partenaire comme la Chine, le pays commerçant le plus important du monde, ne pourra que mieux s’en porter…
 
C’est la nouvelle attitude chinoise défendue par l’éditorialiste du Gobal Times. Une perspective qu’il est loin d’être le seul à partager – évidemment puisque c’est un media officiel. Jeudi, le ministre du Commerce a déclaré que la Chine devait avoir une attitude ouverte à l’égard des accords commerciaux régionaux. Un rapport de recherche de l’Académie chinoise des sciences sociales a même suggéré que la présence économique et l’influence de la Chine parmi les pays membres du TPP pouvaient en fait dépasser celle des États-Unis en termes d’échelle de commerce…
 
Bien sûr, le Global Times précise que la Chine envisagerait d’adhérer au TPP si certaines normes des chapitres concernant les entreprises publiques et la main-d’œuvre étaient modifiées. Mais elle pourrait aussi, quant à elle, mettre en œuvre diverses réformes internes pour satisfaire aux normes élevées de l’accord commercial.
 
Bref : « Pékin, en fait, accélère son processus de recherche d’un réseau mondial de libre-échange de haut niveau ».
 

Pour qui , la première place ?

 
Le TTP est mort, vive le TTP ? Tout peut arriver. L’agence Reuters a récemment cité le ministre australien du commerce affirmant que « les pays pourraient aller de l’avant avec le TTP sans les États-Unis en modifiant l’accord et éventuellement en ajoutant de nouveaux membres ». Le premier ministre péruvien Fernando Zavala avait aussi prévenu que « les autres membres ont l’intention d’aller de l’avant ».
 
Pékin le sait et se positionne. Elle pourrait prendre dès lors la première place dans l’intégration économique Asie-Pacifique, elle qui est déjà devenue en quinze ans, la première économie mondiale, le premier exportateur et le premier détenteur de réserves de change… A ce titre, le repli américain, pourrait être « une bonne chose » pour eux.
 
Dès la mi-novembre, d’ailleurs, à la suite de l’élection de Donald Trump, les dirigeants de la zone Asie-Pacifique, rejoints par Obama, s’étaient retrouvés au Pérou lors du sommet de l’APEC, pour discuter de l’avenir du Partenariat transpacifique. Et Pékin avait proposé à ses partenaires d’Asie de nouveaux accords commerciaux pour remplacer le défunt projet… en particulier le RCEP, Accord de partenariat économique régional intégral, qui réunit seize pays d’Asie et du Pacifique.
 

Ce n’est pas contre les Etats-Unis – ce n’était pas contre la Chine

 
S’il y a bien une guerre de « première place », la perspective demeure la même pour les deux camps, si tant est qu’on puisse parler de camp : l’intégration mondiale.
 
Pékin ne veut pas non plus voir Washington hors du système, même s’il y a peu, la Chine fustigeait la volonté hégémonique des Etats-Unis sur les échanges commerciaux globaux. D’ailleurs, l’article du Global Times finit sur cette réflexion : « Si Trump ne veut pas « Make America Great Again », il doit laisser les États-Unis apporter une plus grande contribution dans la stimulation de l’économie mondiale, un effort qui bénéficiera également à l’économie américaine » (il n’a apparemment pas la même notion du « Make America Great Again » que Trump…)
 
Parallèlement, feu l’ancien TTP n’avait pas été écrit pour contrer l’hégémonie de Pékin, comme on l’entendait sur le sol américain. Obama pérorait peut-être en déclarant que « nous ne pouvons laisser des pays comme la Chine écrire les règles de l’économie mondiale ». Mais cette peur fut surtout pour lui un excellent moyen de fédérer le pays et les politiques pour l’adoption de ce traité dont la perspective est profondément « inclusive » et anti-nationale.
 
D’ailleurs, la Chine a été invitée très régulièrement à rejoindre le TTP, que ce soit par John Kerry lui-même, en novembre 2015, au cours d’un entretien sur la chaîne de télévision interétatique russe Mir TV, ou par le très puissant think thank mondialiste « Council on Foreign Relations » (CFR)…
 

Vers le FTAAP de toute façon

 
Le RCEP, comme le TTP, ne sont que des étapes intermédiaires dans la construction d’une immense zone de libre-échange de l’Asie-Pacifique, le « Free Trade Area of the Asia-Pacific » (FTAAP) qui rassemblerait les 21 pays membres de l’Apec. Libre-échange qui permettra surtout, on l’a déjà dit, la mise en place de structures supranationales de gouvernance globale.
 
C’est tout le sens du discours que prononça le 2 décembre dernier, à Paris, l’ancien doyen du département des relations internationales de l’université Tsinghua, à Pékin :
 
« Notre pays est favorable au libre marché et à la globalisation. Partout où il va, le président Xi Jinping ne cesse de l’affirmer : il n’y a qu’un seul monde et c’est le libre échange qui lui apportera la paix. La globalisation contribue au développement et crée de la relation entre les pays. Il faut une économie mondiale inclusive ».
 
Pour lui d’ailleurs, « le rejet du TPP est un mauvais signal car il marque un refus de la globalisation. Donald Trump a tort, car aucun pays ne peut se développer isolément. » Et la Chine l’a bien compris, dont le président Xi Jinping, lors du sommet de l’APEC, a dit : « Nous n’allons pas fermer la porte au monde extérieur mais l’ouvrir encore plus largement ».
 
Et le communisme qui ouvre ses portes au monde extérieur, à l’ère moderne, ne signifie pas du tout la même chose que du temps de la guerre froide.
 
Il se déverse.
 

Clémentine Jallais