« Sélection naturelle » ? Les mamans ourses gardent leurs petits plus longtemps pour profiter des lois de protection humaines

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Une étude menée dans les pays scandinaves révèle que les ours bruns ont adapté leur comportement aux lois de protection animale pour améliorer leurs chances de survie face aux chasseurs. Etant donné que ces lois humaines interdisent de tirer sur des mamans ours accompagnées de leurs petits, celle-ci ont allongé la durée de garde de leurs oursons, s’assurant ainsi plusieurs mois d’« immunité » supplémentaires. Une politique qui semble fort payante…
 
L’étude du comportement reproducteur des ours bruns scandinaves repose sur des données recueillies pendant 22 ans ; elle vient d’être publiée dans le journal Nature Communications sous la signature d’une équipe de chercheurs internationaux qui aboutissent à ce constat : « L’homme exerce désormais une pression évolutive sur la vie des ours », comme l’a déclaré l’un des auteurs, le professeur Jon Swenson de l’Université norvégienne des sciences de la vie (NMBU).
 
La chasse de l’ours brun est libre en Suède : l’Ursus arctos peut être tiré à vue et sans permis spécifique – sauf s’il se déplace en famille.
 

Les mamans ourses s’organisent en fonction des lois de protection des petits

 
Ainsi, « une femelle seule à quatre fois plus de risque d’être prise pour cible par un chasseur qu’une femelle accompagnée d’un petit », constate Swenson, qui a passé les 30 dernières années de sa vie à travailler sur cette plus longue étude longitudinale sur les ours jamais entreprise.
 
C’est donc au cours de cette période que les chercheurs ont constaté le changement de comportement chez certaines ourses femelles. Elles ont adapté de manière assez spectaculaire leur pratique du maternage, se servant de leurs oursons à la manière dont les hommes adoptent des « boucliers humains ». Boucliers ursins, donc, qui au lieu de 18 mois sont gardés pendant quelques 30 mois. Le changement a commencé à se manifester en 1995 : avant cette date, les oursons étaient tous à la même enseigne, au bout de 18 mois, c’était : « Débrouille toi tout seul. »
 

Les ourses gardent leurs petits plus longtemps comme « boucliers ursins »

 
Aujourd’hui, il est de plus en plus fréquent de voir les petits évoluer avec leur mère pendant une année supplémentaire, ce qui augmente les chances de survie aussi bien pour l’ourse adulte que pour les jeunes. « Tant qu’une femelle a des petits, elle est en sécurité. Cette pression de la chasse a modifié la proportion de femelles qui gardent leurs oursons pendant un an et demi par rapport à celle qui les gardent deux ans et demi », constate l’étude. De 2005 à 2015, la proportion de femelles gardant leurs oursons pendant une année supplémentaire est passée de 7 % à 36 %.
 
Certes, ce comportement a des effets sur la reproduction, retardant le moment d’un nouveau cycle puisque les ourses ne se reproduisent pas tant que leurs petits n’ont pas été sevrés. Moins d’oursons naissent mais au bout du compte, ce « manque-à-gagner » est compensé par le taux de survie plus élevé à la fois chez les mères et chez les jeunes, spécialement dans les zones où l’on chasse beaucoup. « C’est là que les femelles qui gardent leur petit pendant une année supplémentaire ont le plus gros avantage », explique Swenson.
 
Comment les femelles adultes « apprennent-elles » ce comportement ? Est-ce un cas de sélection naturelle de celles qui l’adoptent naturellement ? L’observation d’autres individus ? Quoi qu’il en soit, la nature a été très bien conçue !
 
(Et Dieu vit que cela était bon…)
 

Anne Dolhein