Élection présidentielle en Autriche : des certitudes indépendantes du résultat

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Le candidat du FPÖ, Norbert Hofer.

 
L’Autriche sert de laboratoire à l’Europe, au populisme, au front républicain, au choc des civilisations, à la solidité des plafonds de verre, avec cette élection présidentielle dont le résultat s’est fait indéfiniment attendre. On peut tirer quelques certitudes de cette expérience. Exceptionnellement, elles ne sont pas désespérantes.
 
Le premier tour de l’élection présidentielle avait déjà bouleversé le paysage politique de l’Autriche et posé le cadre de l’avenir du pays : les deux partis de centre gauche et de centre droit au pouvoir depuis la seconde guerre mondiale étaient éliminés avec 11 % des voix, l’UMPS locale disparaissait, ne laissant en lice pour la suite que le populiste Hofer et l’ancien Vert Van der Bellen. Le deuxième tour, même si le résultat n’en a pas été connu dimanche ni lundi matin, confirme cette révolution. Premier point, la participation est en hausse nette, ce qui signifie que le peuple s’intéresse à la politique quand on la débarrasse de ses vieux chevaux de retour et qu’on lui pose une question simple : pour ou contre le populisme. L’élection présidentielle ne passionne pas en général en Autriche, étant donné la fonction surtout représentative du président, mais le candidat populiste ayant dit « vous serez étonné de tout ce que peut faire un président », l’électorat s’est réveillé. Hofer confirme ce que l’on voit dans d’autres pays d’Europe et ce que Trump provoque aux États-Unis, la présence des populistes sauve la démocratie de la mort par léthargie.
 

En Autriche, le front républicain ne garantit pas le résultat

 
Deuxième point, le candidat Vert est arrivé nettement en tête à Vienne, bastion du parti socialiste en particulier, et des anciens partis « de gouvernement » en général. Cela veut dire que le front républicain, même s’il n’y a pas eu de consigne de vote officielle, conformément à l’usage, a fonctionné : la gauche, les bobos, les gens influencés par l’argent, l’université et les médias ont apporté leur voix au candidat résiduel du système, le professeur Van der Bellen. Cela explique d’ailleurs que, partant avec quinze points de retard au premier tour, il ait fait jeu à peu près égal avec Hofer au second. Cela dit, le front républicain marche mais il ne garantit plus nul plafond de verre solide : on est loin du rapport 82 – 18 du second tour de la présidentielle française de 2002. Cela signifie clairement qu’aucun mode de scrutin ou arrangement électoral ne peut plus écarter un populiste du pouvoir, si son profil est bien adapté à l’élection : le scrutin uninominal à un tour, qui avait déjà montré ses limites dans des élections de détail (Marie France Stirbois à Deux, Marion Maréchal Le Pen dans le Var, pour prendre deux exemple français), n’est plus une garantie de pérennité du système, même dans une élection générale. Le sort d’une élection présidentielle se joue désormais à pile ou face.
 

Une élection présidentielle sur fond de catastrophe européenne

 
Et cela malgré l’usage très particulier, presque un folklore local, que l’Autriche fait du vote par correspondance. Il faut savoir que sur les 885.000 cartes de vote par correspondance en circulation, seules 39.000, soit moins de 5 % sont distribuées à des citoyens vivant à l’étranger. L’Autriche est donc un pays curieusement épistolaire, et cette caractéristique a permis de faire durer le suspense un jour entier. Sans les 14 % de citoyens qui choisissent ce mode d’expression, l’élection présidentielle était pliée dès dimanche soir, avec 51,9 pour Hofer contre 48,1 pour Van der Bellen.
 
Maintenant, prenons de la hauteur, et ne nous préoccupons plus le moins du monde de l’élu, uniquement des électeurs. Un peu plus de 70 % d’entre eux ont voté, ce qui est beaucoup par rapport à d’habitude mais peu en soi. Et la moitié des votants a choisi Van der Bellen. Ce qui signifie ceci : quand l’Autriche et l’Europe sont envahies, elles sont ruinées, leur civilisation et leurs populations directement menacées, trois électeurs sur dix vont pêcher à la ligne, et la moitié de ceux qui votent vote pour la politique qui provoque l’invasion, la ruine et la négation de leur identité. Cela veut dire qu’il y a encore de la pédagogie à faire.
 

L’Autriche et le printemps des peuples d’Europe

 
On peut considérer aussi le verre à moitié plein. Trente pour cent de l’électorat, malgré des décennies de battage théâtral (l’expression « théâtre » est de Lionel Jospin), contre le « fascisme » ont dédaigné de lui barrer la route, et, parmi les votants, la moitié l’ont soutenu. Cela signifie qu’une majorité du peuple d’Autriche a manifesté publiquement, à l’occasion de cette élection présidentielle, qu’elle ne tenait plus compte de la propagande du système. C’est une nouvelle de taille, une révolution mentale, et cela installe en Europe un nouveau rapport de forces, d’autant que la Pologne, la Hongrie, et plusieurs pays scandinaves connaissent eux aussi une forte poussée populiste.
 
Les élites sont sourdes mais elles ne sont pas aveugles, elles observent ce qui se passe aussi en Angleterre avec la campagne sur le Brexit, et le succès de Trump aux États-Unis. Parmi les certitudes qui se dégagent, le ras le bol des peuples et sa traduction politique ne leur échappent pas. Elles suivent donc le mouvement pour l’accompagner et le récupérer. Nous avons déjà vu le plan B préparé pour tenir compte du Brexit. Il est certain que les grandes manœuvres sont déjà en train de se préparer en Autriche et dans toute l’Europe centrale.
 

Un nouveau rapport de forces remplace les vieilles certitudes

 
Cependant il ne faut pas considérer ces élites comme un bloc, diverses tendances optent pour des stratégies différentes. Certains estiment l’invasion de l’Europe suffisante, son identité suffisamment brouillée, sa démographie suffisamment en berne, sa prospérité suffisamment ruinée : elle ne présente plus de danger, il est donc temps de stopper l’invasion et de contenir l’islam conquérant. Les sionistes en particulier se rallient à cette stratégie, on l’a vu depuis les attentats de Cologne, ils ont mesuré la menace que l’invasion en cours fait peser sur les Juifs d’Europe. C’est ce qui explique les déclarations du président tchèque Zeman (un sioniste ardent) contre les Frères musulmans qui ont provoqué selon lui la crise des migrants. Et le feu orange donné à plusieurs mouvements populistes en Europe (Brexit, Geert Wilders).
 
Un feu orange qui marque la présente élection présidentielle. En Autriche, on n’a vu aucune des manifestations hystériques de haine qu’on avait vues se déchaîner contre un Le Pen en 2002, sans doute Hofer n’est-il pas tout à fait comme il faut, mais la presse s’est en gros abstenue de le présenter comme un méchant nazi. Parmi les certitudes qu’il faut retenir, celle-ci est sans doute l’une des plus importantes : le système tient désormais compte du poids du populisme et va cesser de l’exclure systématiquement pour tenter de l’inclure et de le circonvenir. La stratégie des peuples, à l’inverse, doit consister à accentuer le rapport des forces en leur faveur. Il reste encore 30 % d’indifférents et 35 % d’aveugles à convaincre. En Autriche. En France, c’est pire.
 

Pauline Mille