Babel inversé ? Facebook développe un nouveau type de message multilingue

Facebook message multilingue Babel
Botticelli (La Carte de l’Enfer).

 
Sur un bon milliard d’utilisateurs de Facebook, la moitié utilise une langue autre que l’anglais. Ce n’est pas une raison, a estimé le réseau social de Mark Zuckerberg, pour que chacun d’entre eux ne rêve de communiquer avec le monde entier. On ne peut s’empêcher de percevoir une logique du « Babel inversé » dans la dernière technique développée par Facebook, qui propose aux internautes d’écrire leur message dans une langue, et de le diffuser en plusieurs au moyen d’un nouveau composant multilingue.
 
Auparavant, une telle démarche requérait des envois multiples, chacun dans une langue, ou bien un seul envoi mais comportant un long texte traduit en différentes langues se suivant les unes les autres dans le même message, ce qui pouvait rendre sa lecture fastidieuse. Une dernière possibilité, enfin, consistait à créer plusieurs pages séparées pour chaque langue, ce qui demandait un temps et des efforts considérables.
 

Facebook s’en prend à Babel

 
Avec le nouveau service multilingue, le message est automatiquement composé en de multiples langues et ceux qui le reçoivent le voient dans leur langue préférée. Cela permet à davantage d’utilisateurs d’interagir avec les pages et, surtout, avec les personnes qu’elles cachent.
 
Comme un faux air de Pentecôte : chacun « entendant » ou plutôt lisant les paroles du « prêcheur » dans sa propre langue…
 
L’outil, proposé depuis quelques mois, est déjà utilisé sur environ 5.000 pages et un total de 10.000 messages jour en moyenne. Ensemble, ces posts sont vus 70 millions de fois par jour, dont plus d’un tiers dans une seconde langue.
 

Facebook compte faciliter les communications multilingues

 
Trois composants principaux ont été impliqués pour y parvenir, explique un communiqué de Facebook : l’expérience de celui qui compose le texte et le flux d’édition, la mise en route du stockage et l’expérience de lecture. Le rédacteur, en créant un nouveau message, se voit proposer une option pour l’écrire dans d’autres langues. Il sélectionne alors les langues qu’il souhaite utiliser. Lors de la création du message, l’information multilingue sera également envoyée au serveur.
 
Pour aider les auteurs à écrire des messages multilingues, un programme de pré-remplissage, actuellement en phase de tests, prend le message composé et utilise une machine de traduction pour produire simultanément les messages automatiquement traduits vers les langues sélectionnées. Les auteurs peuvent utiliser les traductions comme point de départ pour leurs propres traductions vers d’autres langues ou se contenter d’utiliser celle qui est proposée. Les traductions automatiques sont générées par des modèles d’apprentissage automatique utilisant les données de milliers, voire de de millions de traductions d’une langue vers une autre. C’est le même système qui propose des traductions à la demande sur Facebook, comme lorsqu’on clique sur « voir traduction » pour lire des messages et des commentaires.
 
On peut parler pour ces techniques d’« intelligence artificielle » – et en constater aussitôt les limites en relevant les erreurs, les contresens et autres imperfections prouvant que le châtiment de la diversité des langues infligé aux hommes qui voulaient se comparer à Dieu n’est assorti d’aucun remède facile…
 

Le message multilingue, moyen pour Facebook d’accroître sa puissance

 
Pour Facebook, ce n’est pourtant qu’un début. Du fait que bien des utilisateurs ont déjà pris l’habitude d’utiliser leur page pour tenter de toucher une audience dans des langues différentes, changer de technique et utiliser des outils plus performants devrait se faire sans problème. Les posts multilingues émis seront eux-mêmes utilisés pour perfectionner la capacité de traduction des machines, et l’utilisation des messages en langues rares devrait permettre à terme de lever les barrières de langage, annonce le communiqué du réseau social. Facebook vise une universalité lui permettant d’asseoir encore davantage sa puissance.
 
« Vous serez comme des dieux » ?
 

Patrick Neuville