L’OPEP et la Russie tentent de peser sur les cours du pétrole, la fracturation pratiquée aux Etats-Unis les paralyse

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Il a suffi d’un commentaire du ministre saoudien de l’Energie Khalid Al-Falih vendredi pour faire chuter les cours du baril de pétrole. Le brut WTI a plongé de 70 à 65 dollars avant de se stabiliser cette semaine autour de 68 dollars, tandis que le Brent chutait de 78,5 à 74,5 dollars avant de se stabiliser à 77 dollars. Mais qu’avait donc déclaré le ministre saoudien qui déprimât à ce point les marchés ? : « L’intention des producteurs (les membres de l’OPEP et les dix pays non-membres, dont la Russie, qui lui sont actuellement alliés) est d’assurer le maintien de bonne santé du marché, et si cela signifie qu’il faut modifier nos politiques en juin, nous y sommes préparés. Voici deux ans, nous avons allégé [notre production]. Je crois que dans un futur proche, il faudra augmenter la production. Il est probable que cela surviendra au cours du second semestre. Nous avons des discussions nourries (avec le ministre russe de l’Energie Alexander Novak, NDLR), et je crois que nous sommes d’accord ». Khalid Al-Falih et ses alliés tentent par tous les moyens de peser encore sur le marché face à la forte concurrence de la production des Etats-Unis. Mais la réalité fait que le poids de l’OPEP et de la Russie n’est plus ce qu’il était, loin s’en faut, et que le cours du brut et leurs bénéfices devraient rester atones quelle que soit leur décision.
 

L’OPEP et la Russie pourraient jouer sur un million de barils-jour

 
Quel sera le volume de la hausse de la commercialisation de brut décidée par le cartel ? « Un million de barils-jour, plus ou moins, il faut attendre juin pour pouvoir le dire », a éludé Khalid Al-Falih. A l’évidence, il faudra encore quelques tractations au sein du cartel pour en décider. C’est d’ailleurs « le principal problème de tout cartel », explique Bob Adelman sur thenewamerican.com : « Réunir des acteurs disparates puis les tenir ensemble dans la durée. »
 
L’OPEP, fondée en 1949 quand l’Iran et le Venezuela s’allièrent à l’Irak, au Koweït et à l’Arabie saoudite, s’est fait les dents en 1973-1974 en imposant un embargo sur ses exportations à destination des Etats-Unis pour les punir d’avoir soutenu Israël dans la guerre du Kippour. Cette décision entraîna un quadruplement du prix de l’or noir. Il força les Américains à réduire leur consommation de carburants par des rationnements à la pompe, la limitation de vitesse sur autoroutes, l’adoption de voitures plus petites, la relance des transports publics et l’augmentation de sources d’électricité « renouvelables » malgré la très coûteuse irrégularité de certaines. En France, cela correspondit aussi au lancement du programme électronucléaire et à l’explosion du déficit budgétaire de l’Etat, demeuré constant chaque année depuis.
 

L’OPEP n’est plus que l’ombre d’elle-même depuis que les Etats-Unis pratiquent la fracturation

 
Mais aujourd’hui l’OPEP n’est plus que l’ombre d’elle-même en raison de la révolution énergétique poursuivie par les Etats-Unis. Les réserves de pétrole jadis indisponibles par les méthodes conventionnelles d’extraction sont devenues non seulement extractibles mais hautement rentables. Les techniques révolutionnaires de fracturation ont permis aux Etats-Unis de doubler, puis de doubler encore ses réserves prouvées.
 
Le 22 juin, l’OPEP va se réunir à Vienne en espérant pouvoir « rééquilibrer » le marché mondial. Mais cette ambition implique que l’organisation et ses alliés puissent continuer de le régenter. Or ce que l’OPEP décide ou ne décide pas importe désormais de moins en moins aux producteurs nord-américains. Dès à présent, aux Etats-Unis, la plupart des patrons d’entreprises fondent leurs budgets prévisionnels sur un baril à 50-55 dollars, tout dépassement étant une pure aubaine. Sur le Bassin permien, qui s’étend sur l’ouest du Texas et l’est du Nouveau-Mexique, zone de production la plus riche des Etats-Unis, le seuil de rentabilité pour un nouveau forage est de 45 dollars le baril, voire un niveau bien inférieur encore pour les puits déjà forés et développés par des techniques de fracturations de plus en plus efficaces.
 

L’OPEP face à la probabilité d’une baisse de 20 % des cours du pétrole

 
Le problème de l’OPEP a été résumé par Muhammad Ghulam, analyste pour la société d’investissement Raymond James : « Il n’est vraiment plus cher de forer aux Etats-Unis. On devrait voir plonger les cours du pétrole de 20 % et il reste de belles perspectives de développement de la production aux Etats-Unis ». Bob Adelman déduit : « Peu importe donc ce que va décider l’OPEP à Vienne le 22 juin. Elle va continuer de perdre des parts de marché et de son influence sur les producteurs américains ».
 
De fait, si elle décide de maintenir son accord en vigueur, qui restreint son offre sur le marché mondial, les producteurs américains vont continuer de développer leur production. Si au contraire elle décide de changer de pied ou de simplement compenser la chute de l’offre en provenance de l’Iran et du Venezuela, les producteurs américains continueront toujours de développer leur production. Les temps ont changé, l’équation énergétique mondiale ne joue plus en faveur de l’OPEP. Inexorablement, la production pétrolière américaine fera descendre les prix, au bénéfice de tous les consommateurs dans le monde. Quand les prix à la pompe augmentent pour les Français qui se rendent à leur travail – celui du gazole a bondi de 50 % en quatre ans -, il leur faut s’en prendre à la fiscalité confiscatoire que leur impose leur gouvernement.
 

Matthieu Lenoir

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