Sommet sur la cybersécurité : Obama contre les géants du web ?

Sommet sur la cybersécurité : Obama contre les géants du web ?
 
Vendredi, Barack Obama avait convié à l’université de Stanford, au cœur de la Silicon Valley, tous les acteurs du Net pour un sommet sur la cybersécurité et la protection des consommateurs. Un rendez-vous incontournable auquel se ruaient hier tous les protagonistes du web. Quatre géants ont cette fois refusé de s’y rendre en personne : Mark Zuckerberg de Facebook, Larry Page et Eric Schmidt de Google, ainsi que Marissa Mayer, CEO de Yahoo! Un boycott qui fut remarqué.
 
« Il est important pour nous de renouer le dialogue dans l’ère post-Snowden » a souligné le secrétaire américain à la Sécurité intérieure qui en appelé à davantage de collaboration entre les sociétés privées et le gouvernement en matière de cyberdéfense, dans le cadre d’un plan d’action esquissé par Obama. Tous les secteurs sont concernés par l’ordre exécutif signé ce même jour qui encourage la création de structures dénommées ISAO, qui agiraient comme intermédiaires entre public et privé pour simplifier le partage de ressources sur des menaces spécifiques. Elles ne seraient pas sous la coupe de la NSA – qui traîne son carton rouge – mais du département de la sécurité nationale ou DHS…
 

La « fronde » officieuse des géants du web contre Obama

 
Au fil des révélations de l’explosif dossier Snowden, commencées en juin 2013 – qui mettaient en lumière la connivence État et industrie IT (technologies de l’information et de la communication) à travers les écoutes de la NSA – l’harmonie entre les partenaires s’est grippée, du moins en apparence. Les grands industriels qui s’étaient d’abord défendus de toute connaissance de ces pratiques, avaient ensuite avoué qu’ils avaient été « contraints ». Mark Zuckerberg n’a pas hésité à dire que le gouvernement américain « devrait être le champion d’internet, pas une menace ».
Toutes ces entreprises ont entrepris de vastes opérations de communication pour rassurer leurs utilisateurs et mènent un combat officieux contre le gouvernement et son bras trop long – ou surtout trop voyant – de la NSA. Apple a décidé de chiffrer par défaut les données sur les dernières versions de son système d’exploitation mobile, Google a rapidement généralisé le HTTPS pour l’accès à ses services web et dépensé sans compter afin d’appliquer un chiffrement à 2048 bits sur l’ensemble de son trafic réseau. « Nous avons massivement crypté nos systèmes internes ».
 
Néanmoins la fronde ne semble être que politique. Il y a moins d’un an, la chaîne qatarie Al Jazeera America divulgait deux échanges d’e-mails entre les dirigeants de Google et le directeur de la NSA qui faisaient entendre une toute autre musique. A ce sommet de Stanford, les absents remarqués ont quand même envoyé leurs responsables en charge de ces domaines… La participation technique demeure.
 

Sommet sur la cybersécurité : dans les faits, un renforcement de la surveillance globale

 
Parce que l’enjeu est avant tout économique. Les belles phrases du PDG d’Apple, Tim Cook, à l’occasion de ce Sommet, perdent nettement de leur brillance, alors qu’elles avertissent des « conséquences sinistres » des infractions à la vie privée… « Si ceux qui sont aux responsabilités ne font pas tout ce qui est en leur pouvoir pour protéger notre vie privée, nous risquons de perdre bien plus que de l’argent, c’est notre façon de vivre qui est en danger ». Belle déclaration de façade. Ils sont obligés d’interagir avec le gouvernement.
 
Les moyens de pression ne sont de toute façon pas de leur côté. Même avec de beaux grains de sables comme Snowden dans l’engrenage de la NSA, la multiplication des attaques informatiques ciblant les entreprises américaines et la montée du terrorisme sur les autres territoires mondiaux comme l’Europe, sont des états de fait qui renouvellent fort à propos le renforcement de la surveillance globale (le bilan 2014 des infractions informatiques dévoile ces jours-ci que plus d’un milliard de données ont été perdues ou volées au cours de l’année passée, soit une hausse de 78 % par rapport à 2013, l’Amérique du Nord constituant de loin la première cible mondiale).
 
Le Patriot Act, né des attentats du 11 septembre, qui a autorisé pour les services de sécurité l’accès général aux données informatiques détenues par les particuliers et les entreprises, risque bien d’être reconduit, alors qu’il devait prendre fin en juin, ou remplacé par semblable entreprise. Sécuriser, c’est surtout pouvoir surveiller et pirater. La bataille du net est décidément un enjeu immense. Obama a utilisé, vendredi, ces mots : « Le monde numérique, c’est un peu le Wild Wild West et à un certain degré, on nous demande de jouer les shérifs ».