Le Premier ministre Modi pour la première fois en Chine : les nouvelles ambitions de l’Inde

Le Premier ministre Modi pour la première fois en Chine
 
Après avoir fait son petit tour en Europe et même en France – où il a annoncé l’achat par l’Inde de 36 avions de combat français Rafale – le Premier ministre indien Narendra Modi doit se rendre la semaine prochaine en Chine pour une visite d’État de trois jours. Une suite logique à la venue en Inde du président chinois Xi Jinping, en septembre dernier, la première depuis huit ans, pendant laquelle ont été évoqués plusieurs accords et contrats commerciaux. Le geste de Modi répond à une volonté de coopération économique dans cette Asie du sud au développement immense mais aux difficultés prégnantes. Reste à s’entendre sur les frontières… la méfiance est de mise. Et l’Inde multiplie ostensiblement les contacts régionaux et internationaux.
 

Modi cherche des financements en Chine

 
Il y a une nécessité commerciale évidente. Ce sont les deux pays en voie de développement les plus peuplés du monde, les deux économies émergentes, membres du groupe des BRICS, deux géants dont le partenariat a aussi d’office un impact mondial. La Chine est le plus grand partenaire commercial de l’Inde, avec un commerce bilatéral atteignant près de 70 milliards de dollars. Malgré un déficit commercial pour l’Inde de quelque 40 milliards que Modi cherche à combler – c’est sur un programme de relance économique qu’il a été élu, il y a un an. Mais la croissance indienne devrait s’accélérer jusqu’à dépasser cette année, selon les prévisions du FMI, la croissance chinoise qui demeure nettement à la peine.
 
La Chine parle de « confiance stratégique », de « coopération pratique » : dans sa fameuse « route de la soie du XXIe siècle », l’Inde est un partenaire à ne pas négliger.
 

Peur prégnante de l’encerclement

 
Néanmoins, Modi reste le chef de file des nationalistes et il a prévenu qu’il poursuivrait une politique étrangère nettement plus ferme que celle du gouvernement précédent, de gauche… Or il demeure un problème frontalier avec la Chine. Les deux pays sont en désaccord sur le tracé de leurs frontières dans deux régions distinctes, différent qui a déjà généré des conflits et a encore fait grincer des dents Pékin en février, quand Modi a ostensiblement visité l’une d’entre elles et les infrastructures qu’il y projette. Lors d’un rassemblement électoral, l’année dernière, le premier ministre avait fustigé la « mentalité expansionniste » de la Chine qui avait immédiatement riposté, en niant toute « guerre d’agression » à l’égard de qui que ce soit… En septembre dernier, les armées des deux pays sont allées jusqu’à se faire face.
 

Les nouvelles ambitions de l’Inde

 
C’est pourquoi l’Inde ne pouvait pas de rendre en Chine, politiquement esseulée. Depuis son élection, Modi n’a cessé de chercher à gagner des contacts, des soutiens qui renforceraient le pays dans ses négociations, à la fois dans la région et au niveau international. Une stratégie propre à contrer l’influence croissante de Pékin qui, depuis plusieurs années, s’est soigneusement mise dans la poche l’ennemi juré de New-Delhi, le Pakistan, avec lequel l’Inde partage toute sa frontière ouest…
 
Pour sa cérémonie d’investiture, en mai 2014, Modi avait invité l’ensemble des dirigeants de la région – y compris le Premier ministre pakistanais. Il s’est très vite rendu au Bouthan, au Népal, au Bangladesh, et même au Sri-Lanka où aucun Premier ministre indien n’était venu depuis vingt-huit ans… Sa politique diplomatique privilégie clairement le voisinage.
 
Mais pas seulement : Modi est aussi allé voir du côté de l’Europe, du Japon, du Vietnam, de l’Australie et même des États-Unis où il était pourtant interdit de séjour jusqu’à l’année dernière, pour son rôle supposé dans les émeutes anti-musulmanes de 2002. Barack Obama l’a officiellement invité à Washington en septembre et s’est rendu personnellement à New-Delhi en janvier.
 
De quoi lever un peu la tête face à la Chine, et alourdir son poids dans les accords commerciaux. Comme l’a dit un analyste chinois à New Delh, Modi se rend à Pékin « avec un peu de force »… Et les Chinois vont devoir le regarder « plus au sérieux ».
 
Ces rivalités régionales n’empêchent pas ces deux futures superpuissances de se rejoindre sur l’essentiel et leur place sur l’échiquier mondial. Leur volonté de faire contrepoids à la puissance américaine et occidentale s’affirme plus chaque jour : visites d’Etat réciproques, collaboration financière dans l’AIIB et le fonds commun de réserve financière de BRICS pour lutter contre la suprématie du dollar et de la finance occidentale, route de la soie, resserrement des liens politiques du bloc des BRICS. Le basculement du monde vers l’Asie est en cours, avec la complicité mondialiste des « élites » occidentales.
 

Clémentine Jallais