Comment Donald Trump a utilisé des procédures d’expropriation publique aux Etats-Unis à ses propres fins privées

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A mesure que Donald Trump progresse dans les sondages, sa personnalité controversée intéresse davantage les médias. Si son refus de la langue de bois séduit, notamment pour ce qui concerne l’immigration clandestine, cet homme riche et aux multiples connexions avec le pouvoir n’est pas pour autant un homme soucieux du bien commun, s’il faut en croire The New American. Il a utilisé de manière « déterminée, délibérée et répétée » et à ses propres fins le 5e Amendement à la Constitution américaine sur le « domaine éminent » ; l’équivalent de la procédure d’expropriation publique française.
 
Le 5e Amendement affirme le droit à la propriété individuelle en posant le principe : « La propriété privée ne sera pas prise pour l’usage public sans juste compensation. » La mise en œuvre du principe est moins respectueuse des droits individuels : il sert de justification à l’expropriation, le plus souvent à des prix largement en deçà du marché.
 
Pour un investisseur comme Trump, l’intérêt de la procédure est évident : elle permet de mettre la main sur des terrains ou des propriétés de valeur à des prix défiant toute concurrence. Mais comment y parvenir, puisque l’expropriation est censée répondre à des besoins publics – tels la construction de routes et autres infrastructures qui vont de pair avec l’urbanisation ?
 

Donald Trump a cherché à profiter d’expropriations publiques à ses propres fins

 
Eh bien, il suffit de créer des partenariats avec les autorités locales, devant lesquelles on fait miroiter le développement urbain, l’arrivée d’immeubles, de buildings, de commerces, d’attractions d’où résulteront, à terme, de juteux revenus par le biais des taxes et des impôts. Aux édiles de « condamner » – comme on le dit aux Etats-Unis – les propriétés qui empêchent de développer tel ou tel site, d’entrer en partenariat avec Trump ou l’un de ses semblables, et l’achat à faible coût pouvait être finalisé. D’aucuns parlent de « vol ».
 
On a ainsi l’exemple de Bridgeport, Connecticut, géré par un maire socialiste en 1994. Donald Trump l’a approché en lui promettant de faire de cette ville de 150.000 habitants un centre d’affaires et de loisirs de « classe mondiale », doté d’un parc d’attractions, d’un port et d’une gare maritime pour un coût de 350 millions de dollars qu’il promettait d’investir.
 
Pour cela il fallait se débarrasser de cinq entreprises privées et récupérer une plage, propriété de la ville. Bridgeport se chargerait du « rachat » forcé à vil prix, tandis que Trump se voyait promettre la transmission de la propriété au même tarif : une opération « blanche » pour la ville qui n’y perdrait pas un centime, excellente pour lui – et dramatique pour les entrepreneurs privés de leur bien.
 
Le « deal » ne s’est finalement jamais accompli : était-ce trop gros ? Mais il en dit long sur les méthodes que Trump est prêt à mettre en œuvre.
 

Confisquer une propriété privée pour la confier à d’autres intérêts privés

 
L’année précédente, en 1993, il avait déjà fait une tentative similaire en tentant de faire exproprier la propriétaire d’une pension à South Columbia, non loin de la plage. C’était une affaire achetée en 1961 par Vera Coking et son mari. Dix ans plus tard, ils refusèrent une offre d’un million de dollars que leur faisait le développeur d’un hôtel et d’un casino qui finalement commença à installer ses constructions sans toucher à la parcelle des Coking. Il ne devait pas les achever. En 1993, ce fut Trump qui les racheta. La pension Coking le gênait : il rêvait d’en faire un immense parking où, sûrement, les limousines ne manqueraient pas d’affluer. Il proposa 1 million de dollars à Vera, veuve désormais. Elle refusa.
 
Mais au lieu de s’avouer vaincu, Donald Trump allait se tourner vers le Casino Reinvestment Development Agency (CRDA), un office public du New Jersey, habilité à acheter les lieux pour le compte des collectivités publiques qui approuvent l’installation d’un casino sur leur territoire. La parcelle de Vera Coking, dûment identifiée comme propriété à « condamner », fit l’objet d’une offre de 250.000 dollars de la part de l’agence – à prendre ou à laisser, puisque la propriétaire serait de toute manière évincée au bout de 90 jours.
 
Une bataille judiciaire de quatre ans aboutit à une victoire définitive pour la veuve intrépide, la justice décidant que rien ne garantissait que Trump, devenu propriétaire de la parcelle comme le prévoyait son arrangement avec la CRDA, y installerait effectivement le parking annoncé.
 
Depuis lors, Vera Coking est partie, sa maison a été démolie… et le Trump Plaza Hotel et son casino ont fermé en 2014, faute de clients.
 

Donald Trump assure avoir agi « très joliment », selon la loi des Etats-Unis

 
Confronté avec cette histoire, Donald Trump s’est félicité de faire les choses de manière légale, « très joliment ». « Voulez-vous vivre dans une ville où vous ne pouvez pas construire de routes ou de voies rapides ou créer des hôpitaux ? La “condamnation” est un mal nécessaire. » Sans doute… mais ici on parle de rachat confiscatoire de propriétés privées au profit d’une autre personne privée.
 
Si les tribunaux américains ont résisté par le passé à ces pratiques, il n’en est plus ainsi depuis 2005, date à laquelle la Cour suprême des Etats-Unis a jugé dans l’affaire Kelo v. City of New London que « la prise par le gouvernement de la propriété appartenant à une personne privée pour la donner à une autre personne privée en vue du développement économique constitue un “usage public” compatible avec le 5e Amendement ».
 
Suzette Kelo a ainsi vu démolir sa petite maison rose à London, Connecticut. Pour rien. Le « développement » promis n’a jamais eu lieu et la parcelle où se trouvait la maison est devenue une décharge publique…
 

Anne Dolhein