Implosion du parti majoritaire « Nidaa Tounes » en Tunisie…. au profit des islamistes d’ Ennahda  ?

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Mondher Belhaj Ali et Moncef Sallami font partie de la trentaine de députés de Nidaa Tounes qui ont annoncé le gel de leur adhésion au parti, le 4 novembre 2015.

 
Le parti de la majorité présidentielle, Nidaa Tounes, (Appel de la Tunisie) est sur le point d’imploser : plus d’un tiers de ses députés ont décidé, lundi, de quitter le bloc parlementaire. Une scission aux conséquences qui pourraient s’avérer dramatiques. Car, au palais du Bardo, le parlement tunisien, la part belle revient fatalement aux islamistes d’Ennahda.
 
La révolution tunisienne en connaîtra-t-elle une autre ?!
 

Le parti majoritaire implose

 
Le Parti présidentiel, et jusque-là majoritaire, n’avait pas un an d’exercice… Mais le chef de l’État, Beji Caïd Essebsi, son propre fondateur, a dû assister à son implosion : lundi, 32 députés de Nidaa Tounes ont démissionné du bloc parlementaire.
 
« Nous avons décidé de démissionner du groupe après le refus d’organiser une réunion du comité exécutif, qui est la seule structure légitime du parti », a déclaré à la presse l’un d’entre eux.
 
On parle d’un « fonctionnement non-démocratique » et surtout d’« une bataille de succession » qui oppose le secrétaire général de Nidaa Tounes et le propre fils du Président, fraîchement arrivé en politique… Deux clans qui se disputent âprement la direction du parti qui doit se jouer lors du Congrès repoussé depuis des mois et finalement prévu en décembre.
 

Dissensions au cœur de Nidaa Tounes

 
Les dissensions ne datent pas d’hier. Beji Caïd Essebsi, surnommé « BCE », s’est rapidement trouvé accusé « d’avoir abandonné le parti pour le palais de Carthage, siège de la présidence ». Et de vouloir faire passer son fils, avant les intérêts du parti, du pays – un fils qui soutient, qui plus est, l’alliance avec les islamistes d’Ennahdha, contre l’avis de son adversaire, le secrétaire général de Nidaa Tounes.
 
Ce parti, né des suites du Printemps de 2011, devait constituer le renouveau démocratique de la Tunisie. Jeune formation politique hétéroclite, née en 2012 du rassemblement de personnalités de gauche et de centre droit ainsi que de figures de l’ancien parti du président déchu Ben Ali, elle a été élue en octobre 2014 pour son positionnement libéral et son hostilité au projet islamiste.
 
Le « rêve » – s’il en est – doit-il retomber ?
 

Les islamistes d’Ennahda deviennent la première force parlementaire.

 
Car cette scission politique pourrait avoir des conséquences rapidement désastreuses. Les 86 députés de la majorité Nidaa Tounes se retrouvent, en effet, réduits à 54 sièges, un chiffre inférieur aux 69 sièges détenus par les islamistes d’Ennahda qui deviennent donc la première force parlementaire du pays…
 
A priori, les démissionnaires restent députés « pour défendre le projet de Nidaa Tounes et pour soutenir le gouvernement », préservant ainsi une certaine majorité.
 
Mais cet imprévu offert sur un plateau d’argent aux islamistes renforce leurs pouvoirs et leurs moyens d’action. Car Nidaa Tounes, désormais épuré de ses frondeurs, s’alliera sans doute volontiers avec le parti islamiste, assurant désormais une majorité de 123 voix au pouvoir exécutif… Et plusieurs voix se sont d’ores et déjà élevées pour exiger un remaniement – Ennahda ne possède qu’un seul ministre sur les vingt-sept portefeuilles que compte le gouvernement et trois secrétaires d’État sur dix-sept…
 
« Nous n’avons aucun plan visant à accaparer le pouvoir ou même à diriger le gouvernement », a soutenu le président du mouvement. On peinerait à croire tout parti qui soutient pareille ineptie…
 

Tunisie : le quartet du dialogue national reçoit le prix Nobel de la paix

 
En visite d’État en Suède, le président tunisien a qualifié la crise de « nuage passager ». Alors que l’issue pourrait se trouver fatale pour un pays qui avait vu dans Nidaa Tounes le seul refus du projet islamiste. Un changement de gouvernement et de politique générale n’est plus à exclure.
 
D’autant que la situation globale du pays laisse à désirer. Le tourisme, source capitale de devises et de développement, a vu son essor chuter à nouveau, depuis les attentats terroristes du Bardo puis de Sousse. Le chômage de masse et la pauvreté prennent de l’ampleur. Et le gouvernement tarde à légiférer.
 
Triste décalage avec la toute récente réception, samedi dernier, par le pape François, du quartet pour le dialogue national en Tunisie… Composé de l’UGTT, syndicat historique, du patronat (Utica), de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH) et de l’Ordre des avocats, ce quartet a obtenu il y a un mois le prix Nobel de la paix, pour avoir œuvré afin de ramener la stabilité dans un pays tout prêt de la guerre civile, à l’été 2013. « La Tunisie a réussi un processus de transition démocratique sur le plan politique ; un succès couronné par des élections législatives et présidentielles indépendantes » a déclaré l’un d’eux.
 
Jusqu’à quand ?
 

Clémentine Jallais