La Turquie face à la crise politique et sociale

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Depuis plusieurs semaines, la Turquie doit faire face à une recrudescence de la violence. Une violence lourde, ponctuées d’attaques et d’attentats, qui sèment leur sinistre cortège de morts, notamment parmi les policiers et les militaires, comme il est sans doute logique, mais aussi les civils. La crise politique, le désordre social règne dans une Turquie où le président Erdogan ne peut plus revendiquer, désormais, la faveur du peuple. Les divisions qui, depuis la chute du gouvernement au mois de juin, ne cessent de s’étendre laissent présager qu’il ne devrait la recouvrer ni rapidement, ni pacifiquement.
 
Les accrochages sont devenus quotidiens. Avec les Kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), interdit dans le pays, et qui ont multiplié, depuis la répression du pouvoir, les attentats contre ses représentants.
 
Avec l’extrême gauche, notamment celle du Front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C), qui, manifestement attirée par la faiblesse actuelle des autorités politiques, paraît décidée à ne pas lui laisser le temps de recouvrer une majorité solide.
 

Face à la crise politique et sociale

 
Avec les djihadistes de l’Etat islamique (EI), contre lesquels Ankara a intensifié la lutte, au grand dam de certains alliés plus au moins reconnus du président, ce qui a bouleversé certains équilibres, plus fragiles que celui-ci ne l’espérait, ou ne le supposait.
 
Dès lors, l’espoir des milieux d’affaires et des investisseurs, peu enclins à prospérer au milieu des embuscades, repose dans la formation rapide d’un gouvernement de coalition entre l’AKP du président Erdogan et le Parti républicain du peuple (CHP), qui est aujourd’hui la principale formation d’opposition.
 
Pourtant, si de part et d’autre on admet que l’absence de gouvernement est mauvaise pour le pays, les discussions entre responsables des deux partis ont du mal à aboutir. Les distances, les oppositions sont trop grandes pour être rayées d’un simple trait de plume sur le papier, qui ne résisterait sans doute pas longtemps aux contraintes, pratiques mais aussi politiques, de la réalité quotidienne. D’autant que chacun des groupes d’opposants évoqués plus haut trouve dans les autres, sinon des frères d’armes, du moins des alliés de terrain. Quitte à s’en débarrasser sitôt la victoire éventuellement acquise…
 
En attendant, le chaos leur est favorable ; d’où leur volonté manifeste de l’amplifier autant que faire se peut.
 

La Turquie d’Erdogan

 
Erdogan veut profiter de la mauvaise presse qui est celle de ces différents groupes dans l’opinion publique pour intensifier sa « guerre contre le terrorisme », vocable sous lequel il regroupe tous ses opposants. Une guerre totale : « jusqu’à ce qu’il ne reste plus aucun terroriste », s’est promis Recep Tayyip Erdogan. La simplicité du discours ne saurait pourtant durer : le temps, dans le déséquilibre social actuel, joue contre l’AKP.
 
D’autant que la vision présidentielle semble tourner à la mégalomanie. Dernier exemple en date, trois procureurs à l’origine d’une enquête pour corruption visant certains proches du président, ont quitté précipitamment la Turquie pour éviter d’être arrêtés. Lundi, le bureau du procureur d’Istanbul avait en effet ordonné de procéder à l’arrestation de ces trois magistrats, convaincus qu’ils sont d’avoir formé une organisation criminelle afin de « tenter de renverser le gouvernement par la force ».
 
Il est difficile de faire la part des choses dans un pays qui sombre peu à peu dans le chaos – mais qui est toujours officiellement candidat pour adhérer à l’Union européenne. Mais lorsqu’on en vient à traiter comme des criminels ceux qui prétendent s’élever contre la corruption, la démocratie n’est plus qu’un voile sous lequel le vice s’exacerbe.
 

François le Luc