Facebook invente un langage propre aux robots : l’intelligence artificielle s’éloigne encore plus de l’homme

Langage robot Facebook Intelligence artificielle
 
Facebook franchit un pas de plus vers la déshumanisation de la communication. La multinationale des « réseaux sociaux » et des relations virtuelles a inventé une langue destinée aux seuls robots. Facebook veut ainsi transmettre des informations complexes plus efficacement qu’avec une langue humaine. Cette langue robotique, créée dans le cadre des recherches sur l’intelligence artificielle (AI), est incompréhensible pour le simple usager du système.
 

Facebook crée des mots codes pour relier les logiciels d’intelligence artificielle

 
A l’origine, l’inadéquation des langues humaines à la mécanique binaire. Les ingénieurs de Facebook qui travaillent sur les projets d’intelligence artificielle sont partis d’une erreur de programmation. « On n’était pas satisfait de coller à l’anglais », dit Dhruv Batra, de l’université Georgia Tech, qui travaille au Facebook AI Research (FAIR). Les systèmes d’intelligence artificielle étaient en conflit entre eux dans un « réseau générateur conflictuel », pour développer leurs méthodes de communication. « Nos programmateurs ont donc éliminé les langues humaines et inventé des mots codes », poursuit Batra, qui explique : « Par exemple, si je dis cinq fois l’article « le », on comprendra que je demande cinq unités de tel objet. Ce n’est pas très différent de la sténographie humaine ».
 
Exemple concret d’une conversation, façon Facebook, entre deux systèmes d’intelligence artificielle.
 
Bob : « Je peux puis-je je n’importe quoi d’autre ».
 
Alice : « Le ballon a zéro à moi à moi à moi à moi à moi à moi à moi à moi à ».
 

Les groupes syntaxiques sont compressés en mots représentant une pensée complexe

 
Au cours du développement de cette nouvelle langue, les groupes syntaxiques d’origine qui étaient fournis à l’Intelligence artificielle ont été considérablement compressés, ce qui en a fait des unités lexicales qui ressemblent à un simple mot mais sont chargé de concepts complexes. « Il est parfaitement possible pour un simple mot de représenter une pensée complexe », explique Batra, qui semble découvrir la lune en linguistique. « La raison pour laquelle les humains opèrent une décomposition, divisant des idées en concepts simples, c’est que nous sommes soumis à des limites cognitives », ajoute-t-il, sans s’attarder sur le fait qu’un simple mot humain est généralement polysémique et que sa complexité est encore accrue par son environnement lexical et grammatical. Mais, s’émerveille Batra, les ordinateurs, eux, ne connaissent pas cette limite. Surtout, ils imposent la leur : l’univocité du mot et l’économie par l’agglomération de sens. Bref, la logique de la machine à la place de celle de l’homme.
 

Avec le langage de Facebook, miracle : le smartphone pourra dialoguer avec le réfrigérateur

 
Un chercheur d’une société d’IA a ainsi confié à Mark Wilson, chroniqueur pour Co.Design, que l’avantage principal de ce type de langage serait de permettre à des logiciels différents d’apprendre le langage de l’autre sans intermédiation humaine, permettant ainsi de se passer d’API. Ces API, ou « interfaces de programmation applicative », sont conçues pour relier des logiciels entre eux et permettre leur compatibilité mais ils sont coûteux et demandent de longs délais d’élaboration. Un autre spécialiste de l’encodage explique encore à Wilson : « Inclure les données dans un format permettant un apprentissage par la machine est un enjeu énorme et relève plus de l’art que de la science. L’anglais est une langue très tarabiscotée, compliquée et pas du tout adaptée à l’apprentissage par une machine ». Avec la novlangue informatisée type Facebook, des équipements pourront au contraire communiquer entre eux, par exemple votre smartphone avec votre automobile ou votre réfrigérateur, presque instantanément. L’internet des objets, un grand pas dans l’avancée de la civilisation, nous affirme-t-on, avec en filigrane un monde autonome créé par l’homme-dieu.
 

Mais les majors de l’IA préfèrent encore travailler sur la relation robot-humain

 
Pour autant, aucune des grandes sociétés de l’IA ne semble vouloir investir dans le développement de ce langage. Facebook apprend à ses robots comment revenir à l’anglais. Mike Lewis, un chercheur chez FAIR, explique que le vrai défi pour l’avenir de l’IA réside dans l’interface avec l’usager : « Notre principal objectif est d’obtenir des robots qui puissent parler aux gens ». Un porte-parole de Microsoft a fait savoir que la première urgence était l’interaction homme-ordinateur. Google, Amazon et Apple investissent tous, de même, dans l’intelligence artificielle de conversation.
 
Dhruv Batra relève une autre faiblesse susceptible d’avoir un impact sur le développement du nouveau langage Facebook : « Il n’existe aucun locuteur bilingue maîtrisant simultanément cette langue de l’IA et une langue humaine ». « Il est déjà difficile de comprendre le système de pensée de l’intelligence artificielle et ce dernier point le rendrait plus difficile encore », souligne Jack Hadfield, de l’Université de Warwick, sur le site Breitbart.
 

Matthieu Lenoir