AT&T-Time Warner : la politique antitrust de Trump inquiète enfin les monopoles des technologies et des médias

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La politique étatiste d’Obama, douce aux quasi-monopoles moyennant une surveillance administrative, prend fin. L’ère Trump favorable à la concurrence commence. En témoigne la plainte déposée par le Département américain de la Justice pour bloquer l’offre de rachat de Time Warner par AT&T pour 85,4 milliards de dollars. Il s’agit d’un défi historique, marquant une rupture avec la politique de l’administration Obama dont l’attitude face aux fusions dans le secteur des médias, de la communication et de la technologie ne garantissait en rien contre les monopoles, les doublant même d’une surveillance étatique menant à un système quasi-socialiste.
 

L’achat de NBCUniversal par Comcast, illustration de la politique monopolistique d’Obama

 
L’administration Obama, par exemple, avait approuvé l’acquisition de NBCUniversal par Comcast en 2011, imposant de nombreuses conditions et une régulation notoirement absente auparavant. A droite comme à gauche, de nombreuses voix avaient estimé que les prétendues exigences déontologiques de l’Etat ne permettaient pas d’éviter les entraves à la concurrence en cette époque de numérisation frénétique. « Les exigences déontologiques impliquaient que le Département de la Justice devienne l’homme à tout faire du monde des affaires », dénonçait la semaine dernière Makan Delrahim, un avocat du ministère, ajoutant : « Même si nous le voulions, nous n’avons ni les compétences ni les outils pour y parvenir ».
 
Pour Delrahim, la politique antitrust consiste à « appliquer la loi, pas à faire de la réglementation ». Ce qui signifie que la politique antitrust ne devrait pas consister à doter l’administration d’Etat de nouveaux pouvoirs mais à permettre tout simplement aux marchés de fonctionner correctement – garantissant la concurrence que la loi est censée garantir. Mieux : Delrahim affirme que sa conception de l’action antitrust pourrait impliquer une réduction de la réglementation, ce que Steve Bannon, ex-conseiller de Donald Trump, appelait « la déconstruction de l’Etat bureaucratique ».
 
Delrahim explique : « Il s’agit idéalement de réduire la réglementation car encourager la concurrence induit une moindre intervention de l’Etat. En un mot, une juste et opportune application de la loi antitrust favorise la régulation des marchés par la concurrence plutôt que par la bureaucratie de Washington. » Et de conclure : « Un application stricte de la loi antitrust joue un rôle important pour assurer une moindre régulation d’une économie dans laquelle l’innovation et les affaires puissent prospérer et, en fin de compte, dans laquelle le consommateur trouve son compte. »
 

Obama préférait des monopoles sous contrôle gouvernemental, Randall Stephenson, PDG d’AT&T aussi

 
A l’opposé de cette conception simple de la loi, le gouvernement Obama préférait des régulations « comportementales » ou déontologiques sur des monopoles en constitution. Pour les Démocrates, il s’agissait d’imposer une surveillance gouvernementale sur ce qui est censé rester un marché libre. Le basculement dans la politique antitrust a certainement surpris AT&T. Au cours d’une conférence inopinée lundi, Randall Stephenson, patron de la société, et ses avocats ont déploré en chœur que la plainte déposée par le Département de la Justice constituait « une rupture très inquiétante par rapport aux lignes directrices de la législation et à la jurisprudence accumulée pendant des décennies ».
 
L’avocat d’AT&T Dan Petrocelli a tenté de se rassurer en affirmant que l’administration avait souvent perdu en attaquant des fusions « verticales » depuis le début du siècle. Reste que la loi qui avait permis le démantèlement de l’ancien quasi-monopole AT&T en 1982 a été rafraîchie en 1984 et que son application légitime, si elle avait été effective, aurait peut-être empêché Facebook, en instrumentalisant Instagram, d’anéantir la part de marché de Snapchat et la valeur de sa société-sœur, Snap. « Où étaient les fonctionnaires de la concurrence quand l’achat a eu lieu ? », demande l’analyste John Carney sur Breitbart.com.
 

Trump décidé à faire fonctionner la loi antitrust : bonne nouvelle pour les médias

 
Curieusement, même si le monde de l’entreprise s’oppose souvent à la sur-réglementation, l’affaire AT&T tend à démontrer qu’un certain secteur préfère parfois les régulateurs au marché libre. AT&T a fait savoir lors de sa conférence de presse qu’il préférerait le système de réglementation et de supervision conçu lors du rachat de NBCUniversal par Comcast à une solution « structurelle » lui imposant de revendre des actifs pour satisfaire à la loi antitrust. En d’autres mots, plutôt les fonctionnaires-régulateurs de l’ère Obama et le contrôle étatique d’un quasi-monopole que la concurrence.
 
Les « populistes » de droite comme de gauche interpréteront cette position d’AT&T pour ce qu’elle est : un statu quo placerait les intérêts des mastodontes au-dessus de celui des consommateurs, des compétiteurs et des innovateurs. Stephenson a eu au moins un mot juste lundi, quand il a dit que la plainte du Département de la Justice avait créé un frisson d’inquiétude parmi les grandes entreprises des technologies, de la communication et des médias. « Aujourd’hui, les acheteurs qui doivent se méfier sont bien ces entreprises géantes », conclut John Carney. Les consommateurs, déjà prisonniers des logiciels de Microsoft ou des grands médias dominants, peuvent espérer.
 

Matthieu Lenoir