Paris, ou la politique du graffiti

Paris politique graffiti
Rue Denoyez (XXe). Le centre culturel la Place a sélectionné dix artistes. Chacun va se voir attribuer un arrondissement par tirage au sort.

 
Paris, la ville lumière, succombe aux graffitis. Et il n’est pas question ici des bombages qui surgissent, de façon spontanée et hasardeuse, sur certains de nos murs. Non, on parle désormais d’art de la rue officiel, le « street art » comme disent les vendeurs d’art contemporain, chaque arrondissement se voyant attribué un artiste, tiré au sort à l’Hôtel de Ville. A croire que toutes les questions politiques ont été auparavant réglées…
 
L’initiative, explique-t-on, découle d’un projet voté par les Parisiens. Intitulé « Les œuvres d’art investissent la rue », les habitants de la capitale ont voté ce financement grâce au budget participatif 2014. Enfin, ceux qui ont voulu voter…
 

Paris, murs à graffiti

 
Ce projet spécifique prévoyait « d’accueillir dans l’espace public des interventions artistiques au bénéfice de tous les Parisiens », affirme la mairie, et a déjà conduit à la restauration de murs peints existants, à l’installation d’une œuvre pérenne dans le cadre de Nuit Blanche 2015, et à la réalisation d’un premier mur peint par l’artiste Philippe Baudelocque en lien avec l’ouverture de la médiathèque Françoise Sagan (Xe arrondissement).
 
Désormais, chaque quartier parisien aura donc son mur de graffiti, hissé au rang d’art contemporain, lui-même hissé au rang d’art. Apparemment cela doit coûter cher, puisqu’on nous explique que certains de ces artistes ont déjà déposé leurs graffitis au quatre coins de la planète.
 
Mardi, un premier tirage au sort a attribué un arrondissement à une première série de dix de ces artistes, aux noms qui doivent être évocateurs, voire connus : Hopare, 2shy, Shaka, Marko93, Da Cruz, Psyckoze, Alex, Zenoy, Astro et Lazoo. Ouf ! Les arrondissements actuellement attribués sont les 2e, 3e, 4e, 6e, 7e, 8e, 9e, 10e, 18e et 19e arrondissements.
 
Le tirage au sort des neuf autres arrondissements aura lieu quand la mairie aura trouvé les murs pour les accueillir. Il est vrai que les murs, ça manque à Paris. Ah non ! pardon, « ce ne sont pas que des murs municipaux, précise Noël Corbin, directeur des affaires culturelles de la ville de Paris, le critère, c’est un grand espace de visibilité. La procédure peut être longue car on peut avoir besoin de l’accord de la copropriété. » C’est sans doute mieux, effectivement.
 

Une politique illisible

 
En attendant, nombre de Parisiens qui ont autre chose à faire que de passer leurs journées sur internet pour découvrir ce genre de projets vont se trouver face à face avec la conception toute particulière de l’art qui est celle de la mairie de Paris. Pourtant, si Paris a des moyens, on gage qu’il y a bien d’autres choses à faire dans une ville pareille. Pour cela, faut-il s’en doute avoir une politique de la ville.
 
Si celle-ci se résume aux graffiti – et pourquoi pas graffitis ? –, la prochaine fois, je donnerai l’argent de mes impôts locaux à mes enfants ou autres gavroches…
 

François le Luc